Chapitre 30 : L’orthographe

La phonétique impossible

Même s’il ne se réduit pas à cela, l’écrit sert à transcrire les sons de l’oral. Le français possède 36 phonèmes mais seulement 26 lettres auxquelles s’ajoutent 5 signes dits « diacritiques » : les 3 accents aigus, grave, circonflexe, le tréma sur les voyelles et la cédille sous le c. A un même phonème peuvent donc correspondre plusieurs graphies, aucun n’a une graphie unique. Une lettre unique peut correspondre à deux phonèmes, ex : x dans taxe et exercice ne se prononce pas pareil.

Notre alphabet est relativement inadapté car il vient du latin et il n’a pas évolué parallèlement à la langue parlée.

L’alphabet traditionnel ne peut donc pas être défini par rapport au système de la langue ; ses lettres ne peuvent, à la différence des phonèmes pour l’oral, être considérées comme des « unités pertinentes et fonctionnelles ».

Le plurisystème orthographique du français

La théorie de Nina Catach

Théorie du plurisystème :

Le verbe à l’infinitif POURCHASSER correspond à sept phonèmes et s’écrit avec 11 lettres. Pourtant si nous mettons en relation l’oral et l’écrit, ce découpage en lettres n’est pas pertinent : les paires de lettres ou, ch, ss correspondent chacune à un seul phonème et ne peuvent être scindées. Nina Catach propose donc de distinguer huit unités soit :P-OU-R-CH-A-SS-E-R pour lesquelles elle a proposé l’appellation de graphème.

Un graphème peut traduire du son et /ou du sens.

Les zones du plurisystème

Les phonogrammes

La zone « centrale », la plus importante, se compose de graphèmes correspondant directement aux phonèmes et donc chargés de transcrire du son et que l’on appelle donc phonogrammes. Ils sont classés en fonction de critères dont le plus important est la fréquence. Parmi les 130 phonogrammes proprement français, un premier tri aboutit à environ 72 graphèmes. Un tri plus poussé abouti à 45 graphèmes de base suffisants pour couvrir les besoins de communication immédiats d’un scripteur français débutant. Une ultime sélection donne les 33 archigraphèmes : ce sont 33 unités théoriques qui constituent le noyau graphémique du français.

Les phonogrammes constituent la zone centrale du système puisque la langue française est largement phonographique.

5 valeurs possibles pour chaque lettre de l’alphabet : valeur de base, valeur de position, valeur auxiliaire, valeur zéro, diagramme et trigramme.

Les morphogrammes (comptent pour 5 %)

Ce sont des graphèmes de morphèmes. Les morphèmes étant les plus petites unités significatives de la langue orale (ex : pour-chass-er dans pourchasser), les morphogrammes traduisent du sens grammatical ou lexical (parfois en plus de leur valeur phonique).

Ils indiquent : les marques grammaticales de genre, de nombre ou de flexion verbale ou les marques lexicales de dérivation.

Les logogrammes (comptent pour 5%)

Ce sont les homonymes grammaticaux ou lexicaux, le plus souvent monosyllabiques.

Les lettres étymologiques et historiques (environ 12% des graphèmes)

Etymologies latines : vingt, doigt, homme, adhérer

Etymologies grecques : chœur-choriste (valeur distinctive par rapport à cœur); théâtre, rhésus (valeur uniquement étymologique signalant un mot savant)

Fausses étymologies : poids, legs (faussement rattaché à léguer au lieu de laisser), dompter auquel on rajoute un p par analogie à compter.

Des outils pour enseigner

Les typologies

Les recherches de Nina Catach et du groupe HESO ont abouti à une typologie très fouillée des erreurs orthographiques possibles (voir tableaux).

Les échelles

Elles répertorient les mots du français et les rangent par échelons en fonction de leur fréquence et/ou de leur difficulté orthographique mesurées après avoir dicté lesdits mots  à des dizaines de milliers d’élèves francophones.

Ces listes sont destinées à évaluer le niveau en orthographe lexicale des élèves par rapport à un niveau moyen statistiquement établi. Problème : elles risquent de faire passer au second plan les besoins réels des élèves qui apparaissent surtout lors des productions écrites.

Et la dictée ?

Sa forme traditionnelle (un texte d’auteur dicté sans préparation) est quasiment inutile en terme d’apprentissage, tout le monde le reconnaît. Elle reste totalement étrangère à l’évaluation formative.

Elle doit donc être aménagée de différents points de vue :

-         Les fonctions qui lui sont assignées : tester la capacité à bien orthographier un texte inconnu ou vérifier l’intégration d’apprentissages antérieurs (dictée de contrôle).

-         Le choix du texte dicté à l’élève : un texte comportant de façon significative la difficulté étudiée, un texte étalonné en fonction des échelles de difficulté orthographique ou un texte à trou ?

-         Les modalités de conduite : dictée de contrôle ; assistée, après un première écriture, les élèves peuvent chercher des aides dans divers outils de référence ; commentaire orthographique d’un texte, justifier l’orthographe de quelques-uns des éléments d’un texte.

-         Reconstitution de texte

-         « Dictée chiffon » : un texte est écrit au tableau, le maître en efface des fragments que les enfants doivent reconstituer.

-         Autodictée : les élèves s’efforcent de retranscrire correctement un texte qu’ils ont au préalable mémorisé.