Garcia-Debanc, Chapitre 25 : La grammaire de phrase

Qu’est-ce que la grammaire ? A quoi sert-elle ?

Premiers éléments de réponse

La grammaire, une discipline scolaire

C’est l’opinion de beaucoup de personnes. Les divers sens du mot sont les suivants :

-         La grammaire c’est tout d’abord l’ensemble des règles qui permettent de combiner les unités linguistiques d’une langue pour former des phrases qui composent des énoncés. Toutes les langues possèdent donc leur grammaire.

-         La grammaire est aussi une description, une modélisation, une théorisation de la structure, du fonctionnement d’une langue donnée. Le français a suscité au cours des siècles de nombreuses grammaires souvent concurrentes, c’est pourquoi on parle de grammaire traditionnelle ou de grammaire structurale. Les grammaires récentes relèvent de la linguistique qui se veut aussi objective que possible, conception descriptive de la grammaire.

-         La grammaire est également un ensemble de règles garantissant la correction, la conformité aux normes de la langue orale ou écrite. C’est en ce sens que l’on parle de « fautes » de grammaire considérées comme des entorses au bon usage. Conception normative de la grammaire.

-         Pour les enfants, la grammaire, c’est le livre, le manuel dans lequel sont consignées les règles de grammaire.

A quoi sert la grammaire et faut-il l’enseigner ?

Contre l’enseignement de  la grammaire à l’école

Certains pensent que l’enseignement de la grammaire est en fait inutile car il n’aiderait en rien l’expression. Le pédagogue novateur qu’était Célestin Freinet l’a souvent dit.  André Chervel est à peine moins sévère que Célestin Freinet, il estime que l’enseignement de la grammaire est presque une exclusivité française qu’il explique par l’importance de l’orthographe dans l’enseignement et la société. Une réforme de l’orthographe aurait selon lui entre autres effets celui de ramener l’enseignement de la grammaire à des proportions plus raisonnables.

Pour l’enseignement de la grammaire

Pour beaucoup savoir faire fonctionner la langue – on parle parfois de grammaire implicite- ne suffit pas, il faut aussi savoir comment elle fonctionne et passer à la grammaire « explicite ».

Beaucoup pensent également – comme André Chervel - que la connaissance de l’orthographe passe par celle de la grammaire.

Certains vont même jusqu’à considérer la grammaire comme une gymnastique intellectuelle. Pour eux, la langue est le reflet de la pensée et ils en concluent que, pour bien penser, il faut apprendre à bien parler en respectant les règles de grammaire qu’il convient dès lors d’enseigner.

La position la plus fréquente est celle des instructions officielles : la grammaire est un des « moyens de mieux parler, de mieux lire, de mieux écrire et d’accéder ainsi progressivement à la maîtrise de la langue ».

Quelle grammaire de phrase : traditionnelle ou structurale ?

Il y a deux théories grammaticales, illustrées ici par deux extraits de manuels datant de 1996 sur le COD. Dans un cas, il se définit du point de vue du sens (« personne, animal ou chose ») et par rapport au verbe (« sur lequel s’exerce l’action exprimée par le verbe »). Il s’agit de la grammaire « traditionnelle » ou « scolaire ». Dans l’autre cas, il se définit du point de vue de la forme en recourant à des manipulations, la suppression et le déplacement. Ce document relève plus de la linguistique et s’inscrit dans les grammaires « structurales ».

L’analyse de la phrase

La grammaire traditionnelle

Dispositif mis en place au XIXème et fixé vers 1920 puis demeuré stable jusqu’aux années 60 et à l’introduction de la grammaire dite structurale. Dans cette conception, la grammaire s’identifie à l’analyse.

L’analyse grammaticale

Elle s’applique à la proposition ou à la phrase dite simple. Pour chaque mot, il s’agira de donner :

-         Sa nature qui définit son appartenance à l’une des 9 catégories appelées « parties du discours » : nom, adjectif, verbe, adverbe, pronom, article, conjonction, préposition, interjection.

-         Ses modalités : genre, nombre, personne, temps, mode, voix, aspect (accompli, inaccompli)

-         Sa fonction : relations qu’il entretient avec d’autres termes de la phrase : sujet, complément, épithète…

Le sujet répond à la question « qui ? » et le complément à la question « quoi ? ». Conception mentaliste et sémantique de la grammaire, définissant les fonctions d’après le sens. Cela donne, notamment, lieu à une multitude de compléments circonstanciels.

L’analyse logique

Elle s’applique à la phrase dite complexe dans laquelle elle distingue des propositions (principale, subordonnée) dont il faut savoir donner la nature et la fonction. Est dite complexe toute phrase comportant plus d’un verbe conjugué.

Un manuel de grammaire de 1963 autrefois très utilisé dit « l’élève doit voir clairement les liens profonds et vivants qui unissent les termes du langage et concourent à l’expression de la pensée ».

Les grammaires dites « structurales »

L’analyse de type structural

Analyse dite « en constituants immédiats ». Elle consiste à partir de la phrase et à procéder par niveaux successifs jusqu’à retrouver les mots.

Ex : L’épicier ouvre son magasin à sept heures.

Cette phrase se décompose en trois groupes appelés « syntagmes » par les linguistes, résultat de la « syntaxe » (le terme de groupe est celui utilisé dans les manuels, les classes et les instructions officielles) : groupe nominal, groupe verbal et groupe prépositionnel.

Chacun de ces groupes peut être à son tour décomposé : le groupe verbal « ouvre sa boutique » peut par exemple être décomposé en verbe et groupe nominal.

Les derniers groupes nominaux peuvent être analysés à leur tour : le GN sa boutique est composé d’un déterminant et d’un nom.

Pour rendre lisible la structure de la phrase avec ses différents niveaux, on peut utiliser un arbre la représentant. Le principal intérêt des arbres est de rendre visible les différences de structure majeures. Exemple de la phrase Le touriste mange une glace au café. Cependant si la phrase représentée se complique ou s’allonge l’arbre peut devenir très touffu.

Un apport essentiel de la grammaire structurale : les manipulations syntaxiques

Le recours à la grammaire structurale a fait entrer dans l’usage un certain nombre de manipulations appliquées aux groupes et à la phrase qui permettent aux élèves de faire eux-mêmes certaines constatations en s’appuyant sur leur compétence linguistique. Ce sont : la commutation (ou substitution ou remplacement), l’effacement d’un mot ou d’un groupe non essentiel, l’expansion, le déplacement, l’encadrement (ajouter « c’est…qui » ou « c’est…que » par exemple), pronominalisation (remplacer un GN par un pronom), transformation passive, permutation.

Plusieurs manipulations peuvent se combiner. Quand on effectue une manipulation, il faut toujours considérer l’acceptabilité et la correction du résultat produit, l’incidence sur le sens.

Ces manipulations doivent rester un outil.

Le modèle scolaire actuel

Les livres de grammaire actuels se rattachent aux deux courants dans des proportions variables.

Pourquoi ce compromis entre les deux grammaires ?

Compte tenu du poids des habitudes et de la nécessité d’identifier certaines fonctions (sujet, attribut, COD) à des fins orthographiques, la grammaire scolaire ne pouvait être strictement structurale. Ainsi dans la phrase Le petit chien des voisins passe dans la rue., isoler le groupe nominal le petit chien des voisins en l’encadrant par « c’est…qui » ne suffit pas à identifier le sujet proprement dit et à justifier l’accord du verbe au singulier.

Comment s’enseigne la grammaire ?

La démarche traditionnelle normative

C’est l’application à la grammaire de la démarche normative qui consiste à énoncer d’abord une règle, à l’assortir de remarques précisant les exceptions et à demander aux élèves de l’appliquer dans d’autres phrases choisies ou composées pour cela.

La construction par l’élève d’un savoir grammatical

Cf. texte officiel de 1985

La démarche guidée

Dans la pratique, certains manuels offrent souvent une démarche intermédiaire dans laquelle l’élève est amené à faire des constatations prévisibles suivant un déroulement forcément prédéterminé qui tient à l’existence même du manuel.