L’ éthique professionnelle,

ou la responsabilité du professeur

 

 

 

 

1.   Distinction avec des termes voisins.

 

·        Ethique :  L’éthique renvoie à une préoccupation, une exigence, un questionnement. Elle précède la morale, et en est le fondement, la source. La morale est la traduction du questionnement de l’éthique.

 

 

·        La morale, elle, se rapporte à des lois, des normes, des impératifs concernant le domaine du bien et du mal. C’est un ensemble de règles qui permet d’instituer la norme des comportements humains.

 

 

·        La déontologie est l’ensemble de règles et de devoirs appliqué à un profession. C’est une morale professionnelle. Elle se traduit par un code sur lequel on a statué, réfléchi longuement, et qui a été légitimé.

CF le « code du soleil » pour le métier d’enseignant.

 

L’éthique du prof va définir certains de ses comportements.

 

 

 

 

2.   Qu’est-ce que l’éthique plus exactement ?

 

 

·        Définition selon Paul Ricoeur : l’éthique est ce qui est au fondement même de la morale, et qui n’apparaît que s’il y a une relation à l’autre.

 

Rectangle à coins arrondis: Moi
Liberté qui veut s’affirmer
Rectangle à coins arrondis: Autrui
Un alter ego qui a une liberté qui veut s’affirmer
Flèche droite: Si je reconnais dans l’autre, il y a éthique
 

 

 

 

 

 

 

 


·        Qu’est-ce qui peut fonder le jugement moral du professeur : éthique professionnelle ?

Le problème est que dans le métier de prof, l’autre est un enfant. Si je le reconnais comme un autre moi, je dois le considérer comme une personne à part entière.

 

Deux choses sont donc contradictoires :

 

Nous ne pouvons pas exclure l’enfant du statut de semblable.

Il est un être démocratique

Cette égalité est difficilement compatible avec l’idée même de l’éducation et cette relation à l’enfant à l’enfant se fonde sur une supériorité de l’éducateur par rapport à l’éduqué.

En conséquence, nous instaurons de plus en plus dans l ‘école des relations qui se développent sur la base de l’égalité = EXIGENCE ETHIQUE

L’adulte a en effet déjà vécu son enfance et a un avantage sur son élève. Il peut, grâce à son expérience, savoir ce qui est bien pour l’enfant, ce que l’enfant ne sait pas forcément = EXIGENCE EDUCATIVE

 

Comment cette supériorité peut-elle s’affirmer tout en respectant l’exigence éthique d’une reconnaissance de l’enfant comme un alter ego ?

De quelle nature doit être la relation à l’élève pour que les objectifs d’instruction et d ‘éducation soient réalisables tout en respectant l’humanité de l’enfant ?

 

 

 

  1. Une éducation sans autorité ni sanction ?(auteurs Jacquart, Renaut, Manin.)

 

 

Alain Renaut parvient exactement à la même problématique :

La modernité fait que ce qui s’est passé il y a 50 ans pour la femme, se passe actuellement pour l’enfant.

La relation à l’enfant évolue vers une relation établie sur des bases égalitaires.

Exemple, sur la convention des droits de l’enfant :

·                          1924 SDN

                                                     Sur la protection essentiellement

·                           ____ONU

 

·                          1989 ONU : droits sur la protection, mais en plus il y a toute une partie sur la liberté (de penser, de religion, de conscience, de rassemblement).

 

Il y a donc évolution de la représentation de l’enfant, c’est vraiment un alter ego, et plus un animal que l’on dresse. Il y a un progrès indéniable. Il n’en demeure pas moins que l’exigence éducative est indispensable.

 

 

 

 

 

4.   Perception de l’enfant par rapport à l’adulte et au professeur

 

 

 

a)      Comment l’enfant voit-il l’adulte ?  (CF O. Reboul)

 

 

·        L’adulte est en position d’autorité. Personne forte de son savoir et de son pouvoir. C’est une grande personne qui peut tout sur lui.

Autorité = il fait ce qu’il veut

 

·        L’adulte est caractérisé par son sérieux. Il ne joue pas et se prend au sérieux, il a des responsabilités, qui l’enchaînent à son rôle.

 

·        L’adulte est l’homme qui a terminé son développement. Il représente l’achèvement.

 

 

 

b)      Cet enfant qu’est l’élève, comment devrait-il voir le professeur, idéalement ?

 

·        Un adulte dont l’autorité se fonde sur deux choses :

 

Ø      Sur sa maîtrise : il est une personne compétente dont on peut apprécier la qualité du travail :

o       Maîtrise des savoirs fondamentaux.

o       Capacité à instruire : il peut apprendre aux autres.

o       Capacité à susciter l’intérêt : il donne envie d’apprendre.

 

Il met en confiance, et inspire un respect qui est dû à son expertise. Cette expertise ne signifie pas l’infaillibilité : il peut se tromper, il doit se tromper : il montre justement alors comment gérer l’erreur.

 

Ø      Il a de l’autorité parce qu’il est juste :

o       Le prof est cet adulte qui donne des règles, et qui garantit l’égalité de tous devant celles-ci, qu’il respecte comme les autres.

o       Quelqu’un qui a toujours à cœur d’expliquer la légitimité de la règle. Elle n’est pas la traduction d’un caprice, mais celle d’une valeur intrinsèque.

 

Il est celui avec qui on peut discuter si on n’est pas d’accord avec la règle, et qui aide à réfléchir ensemble sur la valeur de la règle (CF généralisation kantienne). L’autorité # autoritarisme.

o       Il est un arbitre auquel on peut se référer quand il y a un conflit, car il est impartial.

o       C’est un adulte auquel je peux faire confiance et qui me fait confiance.

 

·        Un adulte sérieux sur qui on peut compter et qui accomplit sa tâche . On peut aller le voir, il aura une écoute bienveillant et disponible. Il ne s’énerve pas quand son élève ne comprend pas. Il se maîtrise, ne se prend pas au sérieux, et est encore capable de s’émeveiller sur ses découvertes, il sait s’amuser, a des passions.

 

 

·        L’élève doit voir dans le prof quelqu’un qui cherche toujours à progresser à s’améliorer, qui a toujours des passions, qui est dans une dynamique.

 

 

 

5.   Qu’est-ce qui fonde l’autorité du prof ?

 

 

3 types de relations qui renvoient à 3 modèles de domination ( Théorie de Max Weber) :

 

a.       Domination autoritaire (= traditionnelle) elle impose par la contrainte.

Jusqu’à Piaget, on considérait que l’enfant avait les mêmes structures mentales que l’adulte. Si l’adulte avait besoin d’être motivé et dans de bonnes conditions pour apprendre correctement, on croyait que c’était différent pour les enfants : il suffisait de les cadrer sévèrement pour leur inculquer tout ce qu’on voulait.

Piaget est le premier à révolutionner ce point de vue, avec sa théorie des stades : l’enfant a le même besoin de motivation que les adultes, mais il a des structures mentales différents qui se développent au fil de sa croissance.

 

Freinet est une grande figure de la modernité. Il répond à cette tradition : personne n’aime être commandé par l’autorité, aussi bien l’enfant que l’adulte. Si l’ordre et la discipline sont nécessaires, les sanctions et punitions peuvent être perçues comme humiliantes. Il y a une contradiction.

 

Si la contrainte est mauvaise, on ne peut pas exclure toute forme d’autorité.

 

Rousseau apporte un éclairage sur cette question. Dans le contrat social, il définit ce qui fait obéir l’enfant :

 

·  Obéissance par soumission, par force : peur de …, recherche de récompense ou d’approbation. Cette obéissance est provoquée par quelqu’un d’autre que l’enfant lui-même. Elle est extérieure.

 

·  Obéissance par liberté / par devoir. Quand on se commande soi-même, on obéit par obligation et non plus par contrainte, en suivant une force intérieure. ( être obligé c’est avoir une conscience morale qui nous pousse à agir )

 

On ne peut pas cultiver la liberté de l’élève sans transmettre la liberté de la responsabilité. C’est alors une liberté réglée, soucieuse de la liberté des autres.

Dans l’urgence, il y a forcément des obéissances forcées. Mais cela ne peut pas être un mode de fonctionnement.

Ø      Ce serait contraire à l’éducation citoyenne.

Ø      Ce serait contraire à l’égalité.

 

 

b.  Domination charismatique = manipulation.

Il est facile de séduire un enfant, mais ce n’est pas le préparer à devenir adulte, ce n’est pas ce qui peut favoriser leur autonomie intellectuelle et affective.

Le professeur doit chercher à convertir cette séduction en respect qui repose sur la raison ( il n’y a plus alors de dimension affective). Il doit faire en sorte que ce qui séduit ne soit plus sa personne mais ce qu’il enseigne. Pour être en adéquation avec l’exigence éthique du prof.

 

 

c.  Domination contractuelle qui « impose » par le consentement. CF PPAP et toutes les pédagogies du contrat. On demande à l’élève de signer pour prendre un engagement, ce qui rend l’individu démocratique.

Cette nouvelle relation maître / élève repose sur la réciprocité :

 

·        Un droit correspond à un devoir.

 

·        Certaines choses ne sont pas négociables. Certains devoirs du professeurs ne correspondent pas à des droits de l’élève. Le fait de favoriser chez l’élève l’envie de grandir doit aussi se traduire par le souci de la part du maître de répondre à une de ses responsabilités qui est former le futur adulte, même si l’enfant n’en a pas besoin au moment présent (CF éthique du prof : il doit tout faire pour que l’enfant, une fois adulte, ne puisse pas lui reprocher de l’avoir mal préparé à son rôle d’adulte).